2 avril 2009

Le travail des enfants une atteinte portée aux jeunes générations


Dans la ville de Jalal-Abad nombreux sont les enfants, qui gagnent par leur travail des revenus supplémentaires pour eux-mêmes ainsi que pour leurs familles, le nombre de ces enfants n’est ni connu avec exactitude, ni l’objet d’estimation satisfaisante. Leurs parents ou proche famille ignorent qu’en même temps que le travail de ces enfants leur permet de résoudre leurs difficultés matérielles, il cause à ses enfants une violation de leurs droits fondamentaux ainsi que de graves problèmes de santé.


UNE ENFANCE PRIVEES DE JEUX
Marat qui a 11 ans ne va plus à l’école depuis un an et demie, il travaille comme balayeur chez un coiffeur pour homme, au centre de Jalal-Abad. Le salaire que touche Marat pour un travail quotidien de 9 à 10 heures, se résume aux 50 soms par jour que lui payent la dizaine de patrons coiffeurs chez lesquels il est employé. L’essentiel de son travail consiste à balayer et nettoyer les cheveux tombés au sol, ainsi qu’à faire chauffer l’eau pour laver les cheveux des clients. De la même manière, il effectue également toute sorte de menues travaux que lui confient les patrons coiffeurs (aller chercher des cigarettes etc.) Les raisons pour lesquelles, Marat doit travailler pour gagner cet argent, tiennent à ce qu’il est issu d’une famille nombreuse, et à ce que ses père et mère ne travaillent nulle part.
« A l’époque où je restais à la maison à ne rien faire, nous souffrions vraiment du manque de vêtement et de la faim. Maintenant je ramène de la nourriture à la maison, et mon père m’achète des vêtements comme ceux de mes amis. La seule chose qui ne me plaît pas, c’est que je suis trop fatigué, et d’avoir parfois aussi mal au dos. Je regrette aussi de ne pas pouvoir aller à l’école, et jouer au football avec les autres », - nous dit Marat lors de la discussion.
D’après le responsable des services municipaux de l’éducation, Tchyrmach Dooronov, il n’y aurait dans la ville de Jalal-Abad qu’environ six enfants en âge d’aller à l’école qui travaillent. « Au début de l’année scolaire, il y avait 21 enfants dans cette situation. Grâce aux efforts des professeurs, 15 d’entre eux sont retournés à l’école. A présent, il y a six enfants en âge d’aller à l’école qui gagnent des sous en travaillant au bazar et dans d’autres endroits »,- explique T.Dooronov.
Cependant, d’après du directeur régional du « fond pour l’enfance » K.Sarynbaïeva, le nombre d’enfants travailleurs n’est pas de 6, mais serait plusieurs fois supérieur à ce nombre. En effet, on peut y ajouter un certain nombre d’enfants qui travaillent en dehors des heures d’école. « Il est possible que les responsables des services de l’éducation, pour ne pas être mis en cause, minimisent volontairement le nombre d’enfants qui travaillent. Et maintenant combien d’enfants passent à travers les contrôles des services d’éducation, et continuent à travailler sans même savoir ce qu’est l’école ? »,- nous explique K.Sarynbaïeva.

« LE SAVOIR NE VAUT PLUS RIEN »
La majorité des enfants qui travaillent à Jalal-Abad ont entre 9 et 16 ans, et s’emploient pour l’essentiel comme vendeurs, balayeurs et porteurs sur les bazars. Leurs salaires mensuels couvrent des sommes allant de 700 soms à 1300 soms. Il est notoire que la majeur partie des enfants qui travaillent, le font en raison de difficultés d’ordre social, et sous la pression de leurs parents.
Les parents de ces enfants s’opposent à ce qu’ils aillent à l’école. Actuellement, la manière de voire très répandue selon laquelle avoir de l’argent et bien savoir travailler peut permettre non seulement d’acheter un diplôme mais également d’obtenir un emploie, semble inciter les parents à faire travailler leurs enfants.
Dans le cas de Salima Bozbalaeva, habitante de Jalal-Abad, ce n’est pas un mais ses deux enfants qui vont gagner de l’argent en vendant de la nourriture sur le bazar. Ces enfants vont de temps en temps à l’école, et n’ayant jamais redoublé étudient pour l’un en neuvième, pour l’autre en huitième classe.
« A notre époque, le savoir ne vaut plus rien. Il suffit d’obtenir de justesse une attestation de l’école, pour avec de l’argent pouvoir terminer l’enseignement supérieur. Il n’y a rien de bon à gagné dans le fait de passer onze ans de sa vie à se trimbaler des livres et cahiers. Aujourd’hui, si tu as l’argent, tu trouves facilement un bon travail. C’est pour ça, que j’apprends mes enfants depuis tout petit à savoir trouver l’argent »,- explique Salima.
Cependant ce n’est pas l’opinion de tous les parents dont les enfants travaillent. P.K. habitant de la rue Nagornaya, qui n’a pas souhaité donner son nom, raconte que faute de pouvoir faire autrement, il a dû envoyer son fils travailler comme porteur sur le bazar.
« A cause d’une santé trop fragile, il est devenu trop difficile de mener une existence convenable avec l’argent que gagne ma femme. Alors quelle autre issue, sinon prendre l’argent que mon fils peut gagner sur le bazar ? Pour sûr, j’aimerais autant le voir aller à l’école avec ses amis. Mais la vie nous laisse t’elle le choix ? »

LES ENFANTS AUSSI ONT DES DROITS
Les enfants au travail sont aussi très vite confrontés au problème du paiement de leur salaire par leurs chefs. Autrement dit, les défauts de paiement en temps voulu, ou les cas où l’employeur paye moins que la somme convenue.
D’après ce qu’en dit K.C., qui embauchent des jeunes enfants pour transporter les marchandises sur le bazar des matériaux de construction, l’essentiel pour les enfants ne devrait pas être l’argent. « Il vaut mieux qu’ils se réjouissent de ce qu’ils ont pu apprendre, que de quelques sous gagnés »,- explique K.C.
Nurbek Kacymbekov, juriste au centre d’aide sociale, explique que conformément au code du travail de la République du Kyrghyzstan, l’employeur est tenu d’établir un contrat de travail dés l’entrée en fonction d’une personne de plus de 14 ans. Malheureusement, à Jalal-Abad les enfants qui travaillent n’ont en aucune façon accès à des informations concernant les contrats de travail.
« Avant de mettre au travail des enfants non encore en âge, l’employeur doit aussi impérativement obtenir une lettre établissant l’accord de ses parents. Dans le cas d’un orphelin, il faut une autorisation écrite de travail délivrée par les services locaux de protection. Si l’on s’en tient à cela, personne n’a le droit d’employer un enfant non pubère dans un travail néfaste à la santé »,- explique Nurbek Kacymbekov.
Si nous nous en tenons à la parole de ce juriste, aucun de ceux qui à Jalal-Abad emploient des enfants ne suivent ces prescriptions, au contraire la majorité des employeurs se contentent au contraire d’un accord non-écrit. Or, en vérité il n’y a pas en ville le moindre organisme étatique ou même non-gouvernemental, pour offrir aux parents les clefs d’une compréhension des problèmes liés au travail des enfants.
« Ce n’est pas seulement s’agissant de Jalal-Abad, mais pour l’ensemble de la république que nous manquons de mesures effectives au traitement de ce problème. De plus, l’absence de réglementation concernant le travail volontaire des enfants, participe en soit à la création de toute sorte de problèmes afférant à cette question »,- ajoute Nurbek Kacymbekov.
Enfin, on considère dans le cas des enfants travaillant sur les bazars, contrairement à ceux qui employés par un entrepreneur, que ceux-ci travaillent de leur propre grés. On peut dire qu’il s’agit d’enfants « travailleurs indépendants ». Ces enfants ne sont en contrat travail avec personne, cependant il est de la responsabilité de leurs parents, et de leurs proches de veiller à leur santé.

LA SANTE EST MISE AU SECOND PLAN…
La majorité des parents semblent ignorer, que si travailler dés l’enfance permet d’apprendre très tôt à gagner son argent, cela peut s’avérer également très mauvais pour la santé de ces enfants. Il est médicalement connu que l’organisme d’un enfant continue de se développer, jusqu’arriver entre l’âge de 12 à 18 ans. Si l’enfant travaille beaucoup durant cette période, peuvent apparaître des problèmes de croissance ou de retard de développement des organes ainsi que les premiers symptômes de nombreuses maladies.
Abiba Narymbetova, docteur à la clinique du village de Kirov à Nooken, explique que les personnes qui ont commencé à travailler dés l’enfance développent fréquemment à l’âge adulte (entre 27 et 35 ans) nombreuses maladies tant au niveau des reins, du dos, des jambes, que de la tête. Cela, il est particulièrement important que les parents le gardent bien à l’esprit.
Egen baïke, âgé de 43 ans et qui travaille comme porteur sur le bazar de Jalal-Abad, témoigne également des dégâts que peuvent occasionner à la santé le travail des enfants.
« Depuis mes 8 ans, j’ai effectué toute sorte de travaux pour gagner quelques sous. En résultat d’avoir travaillé dans le froid, ma santé s’est dégradée, et après avoir dépassé 34 ans j’ai commencé à souffrir des reins. Depuis deux ans maintenant, je suis en prise à des maux de tête. Je me suis fait examiner à l’hôpital, ils disent que cela n’est que la conséquence d’avoir travaillé depuis l’enfance »,- raconte Egen baïke.
Le travailler de manière trop précoce peut causer non seulement des problèmes rénaux ainsi que des maux de tête, mais aussi des maladies affectant le système nerveux.
« Tous les enfants aiment l’argent. Lorsqu’il ne leur reste plus un sous en poche, ils cherchent alors à travailler encore plus. Ce désir de toujours gagner plus est de nature à faire obstacle à la récupération du système nerveux. En conséquence, lorsque ces personnes grandissent, elles deviennent sujettes à des accès de colère imprévisibles. Par ailleurs le fait, quand on est petit de faire la vaisselle, de travailler dans un endroit froid peut faire craindre l’impossibilité d’avoir des enfants pour les personnes concernées»,- explique A.Narymbetova.
C’est ainsi que commencer de travailler trop précocement est de nature à imprimer une trace durable à la psychologie de l’enfant. D’après Gülnara Jassolova, psychologue au centre médico-social « Altynaï », l’intérêt pour les études s’éteint vite chez les enfants, qui ont intériorisé un tel rapport à l’argent.
« En effet, l’enfant qui sait ce que peut lui offrir l’argent, ne peut plus s’empêcher de courir après. Les enfants pris très tôt au goût de l’argent, se désintéressent pour une vie sans gain immédiat, et en perdent toute inhibition envers la criminalité. Par là, l’idée que « chacun devrait travailler depuis l’enfance » s’imprime dans la psychologie de ces enfants, et plus tard il est possible qu’ils forcent également leurs propres enfants à travailler très jeune »,- explique G.Jassolova.
Si l’on s’appuie également sur un communiqué des autorités en charge du service militaire, le travail trop précoce des enfants est à l’origine de toute sorte de problèmes quand vient le moment pour eux de faire leur service. Abdurassul Düechebaev, chef du comité militaire de la ville de Jalal-Abad, considère que le cas de jeunes en âge de faire leur service, présentant un poids insuffisant en rapport à leur taille, est résultent souvent d’un travail effectué en d’un âge trop précoce.
« Actuellement, sur 10 enfants 9 ne conviennent pas pour partir faire leur service à l’armée. Si on continue à ce rythme là, à qui pourra-t-on confier l’avenir du Kyrghyzstan ? Ainsi, les parents, qui mettent leurs enfants au travail, feraient bien mieux de réfléchir à leur santé, et de se soucier un peu de leur avenir. »,- dit A.Duïchebaev.

Comme l’indique le juriste Nurbek Kacymbekov, si aucune mesure n’est prise par les autorités pour prévenir le recours au travail des enfants, les problèmes liés à cette question ne feront qu’aggraver, et le danger que l’on fait peser sur la santé des enfants risque de compromettre grandement l’avenir des jeunes générations.


Vendredi, 27 Mars 2009, Sanjar Eraliev, Jalal-Abad, pour le journal "Kyrghyzstan Zaman" "Баланы иштетүү - тукум улоого зыян" (traduction du kyrghyz)

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